La réquisition
J’étais âgé de vingt ans, et je travaillais avec mon père à la ferme de M., dans le bourg de Treize-Vents. Je devais partir le 06 août 1942 pour servir de main d’œuvre au bénéfice de l’économie ennemie.
Le garde champêtre de la commune, un collaborateur avéré, m’a apporté à la ferme, la feuille de réquisition. Celle-ci portait convocation pour une remise de bons, à la gare de La Roche-sur-Yon, utilisables pour se procurer une paire de brodequins et mille francs, destinés au transport ferroviaire vers l’Allemagne, et aux frais annexes du voyage.
Je suis parti à bicyclette de Treize-Vents, accompagné de deux amis de la classe 1942.
Louis, treize-ventais d’origine, se gageait comme ouvrier agricole dans la ferme du lieu-dit A., sise sur la commune de Saint-Laurent-sur-Sèvre, en direction de La Verrie. Louis s’était marié avec une fille de Treize-Vents, et nous nous étions liés d’amitié.
Pierre se louait dans la ferme de V., sur la commune de Treize-Vents. Je ne connaissais pas Pierre avant cette convocation à la gare de La Roche-sur-Yon, et les cinquante kilomètres à vélo, partagés à grands coups de pédaliers pour nous y rendre.
A la gare, nous avons rencontré des amis de notre âge, originaires de la commune du Boupère. C’était midi. Leur train aurait dû partir dès le matin, mais ils étaient toujours là, livrés à eux-mêmes dans l’indifférence manifeste des soldats allemands. Les officiers ne semblaient pas faire preuve d’une organisation rigoureuse, ou ne disposaient pas de consignes claires à appliquer.
Je pris la parole à l’attention de mes camarades du Boupère :
« - Personne ne s’occupe donc de vous ? Vous ne seriez pas mieux de retourner dans vos fermes ? » rajoutai-je l’esprit frondeur. En réalité, l’idée avait jailli spontanément, immédiatement suivie de l’interrogation orale, sans préméditation de ma part de ce que pourraient être leurs réactions.
« - Tu es fou ! Tu ne te rends pas compte ? On subirait des représailles ! »